Prudence n’aimait pas son prénom… Du reste, elle ne connaissait personne d’autre qu’elle qui l’ait porté… Même Sainte-Prudence, vaguement fondatrice d’un couvent, morte en 1492 (tiens, quand Christophe Colomb, lui, découvrait l’Amérique…) semblait être aux abonnés absents… Et en plus, comble de malchance, elle détestait tout autant son nom de famille, Belin… On lui demandait si souvent « Comme les biscuits? » qu’elle avait fini par adopter cette façon de le dire… Belin-comme-les-biscuits…
Bref, de moqueries en brimades dans les cours de récréation qu’elle avait bien trop subie, Prudence devint adulte. Elle pensait qu’on la charrierait moins à ce moment-là. Que nenni! Collègues et voisins continuaient la ronde des quolibets.
Prudence en vint à détester son identité… et, petit à petit, à se détester elle-même… Ce fut la suite d’une longue descente aux enfers… Anorexie… Automutilations diverses… Dépression… Tentatives de suicide… Elle finit par être hospitalisée. Elle perdit ainsi encore un peu plus sa dignité, surveillée sans cesse, de crainte qu’elle se fasse du mal. Elle n’avait plus aucune intimité avec elle-même. Les visites des bénévoles de l’hôpital l’indifféraient. Les soins des infirmières l’horripilaient. Les tournées des médecins l’exaspéraient. Et chacune des nouvelles personnes qui entraient en contact avec elle en l’appelant par son prénom ne faisait qu’empirer les choses… Elle se mura dans le silence pendant plusieurs années. Les docteurs se demandaient même si elle n’avait pas de lésions qui l’empêcheraient de parler.
Un jeune homme venait régulièrement visiter le service où Prudence était internée. On lui avait expliqué qu’elle souffrait d’une forme particulièrement profonde de dépression et que rien ne servait de lui parler car tout lui était égal… Un jour, il lui parla sincèrement: il trouvait que son prénom ne lui allait pas… Prudence… Elle qui avait tant joué avec sa vie… Non, vraiment, c’était trop bizarre. Il était sûr qu’elle ne prêtait aucune attention à ses paroles, alors il en rajouta, un peu…
Le lendemain, Prudence décida de se coiffer… Peut-être cet homme reviendrait-il? Il revint. Cette fois, c’est sur son nom qu’il engagea le monologue… Belin, comme les biscuits, alors qu’il était si difficile de lui faire ouvrir son petit bec d’oiseau tombé du nid… La vie, vraiment, avait un humour curieux…
Du lundi au vendredi, il venait. Il s’arrêtait auprès de chaque lit du service et échangeait quelques mots avec les patients qui le voulaient. Mais pour chacun, il avait un regard, un intérêt… Prudence attendait ses visites. Après quelque temps à se coiffer, elle décida de s’habiller, aussi, pour ses visites. Plus tard, elle chaparda un joli rouge à lèvres à l’une de ses voisines. Elle reprenait figure humaine. Le 17 septembre, elle essaya même de le saluer. C’est un borborygme qui sortir de ses lèvres. Il n’est pas si facile de parler après des mois de silence. Chaque visite apportait sa légère amélioration.
Après plusieurs mois de ce manège, Prudence semblait n’avoir jamais été malade. Seules quelques cicatrices ici et là parlaient de son passé. Seule sa pâleur évanescente laissait deviner sa profonde fragilité… Un jour de plus où le jeune homme la visitait, elle lui expliqua le bien qu’il lui avait fait en parlant sans détour de son identité… Il était le premier à avoir reconnu où sa souffrance prenait sa source…
« Tu n’aimes pas ton nom? Ben, marie-toi! Au moins tu auras la chance de perdre ce Belin-comme-les-biscuits qui t’agace tant! » Se marier? Qui voudrait l’épouser, elle? « Eh, bien… moi, par exemple… » répondit-il en rougissant.
L’épouser? Lui qui, le premier, avait pris soin d’elle, de qui elle était, qui avait deviné la profondeur de ses blessures?
L’idée fit son chemin mais prit du temps… Il fallut d’abord que Prudence soit jugée apte à s’occuper d’elle-même. Ensuite, il fallut qu’elle puisse sortir de l’hôpital. Il l’aida à reprendre contact avec l’extérieur…
Changer de nom… changer d’identité… Cette perspective se précisait…
Et Prudence finit par se sentir prête. Entre deux témoins, ils se dirent oui pour la vie… Elle profita du changement de documents d’identité pour utiliser son deuxième prénom, dont elle ignorait l’origine, comme prénom usuel. Prudence Belin devint donc Laure Rioux. Pas d’identité trop chargée… Pas de moqueries… Une nouvelle personne était née de cette union. Ce n’était pas, comme dans la plupart des couples, un joli bébé rose et joufflu… Non, c’était simplement elle-même qui était venue au monde…
Et elle vit que la vie était belle et valait la peine d’être vécue.
Voili, voilà… Une nouvelle recrue pour la cour d’école de Jill Bill…
Bonjour élève Gwendoline… Ah comme quoi le choix du prénom pour bébé compte… et si le nom de famille en plus donne à moqueries !! Alors il suffit de quelqu’un pour tout changer parfois, cet homme su lui rendre la vie belle, qu’elle soit heureuse à présent ! Sois aussi la bienvenue à la cour de récré Prudence, enfin, Laure ! MERCI à toi, bises de m’dame JB 😉
Au moins une histoire qui fini bien 4a fait du bien ces temps. Bisessss
Longue vie et santé à laure puisque Prudence n’est plus…
Une belle étude comportementale pour Prudence , vraiment bien vue .
Bonne soirée
Bises
Quelle belle histoire !!!! Un mariage et un nouveau départ pour Laure !
Bises
Une belle histoire !
Cette histoire si triste au départ se finit bien joliment.
Merci pour cette note d’espoir.
Bises
Encore un joli conte que tu nous livres là , ta Prudence vaut de Laure 😉