Dimanche, j’ai suivi un atelier d’écriture en vrai de vrai, entraînée par mon amie Isabelle. Merci, ma chère, c’était un grand plaisir de vivre cette journée avec toi, et de me laisser guider à Morges, lors du Livre sur les Quais.
C’est Alain Maillard qui animait ce moment. 90 minutes qui ont passé bien plus vite qu’un match de foot, croyez-moi !
La consigne était de raconter un souvenir d’enfance, en le développant de plus en plus, dans trois versions successives, en ne tordant pas la réalité.
Première version, façon dépêche de presse.
Je me souviens d’un panier d’amandes fraîches, vues chez ma tante Claude. C’est le seul souvenir que j’ai d’elle. J’avais 18 mois quand elle est décédée.
Deuxième version, un peu plus étoffée.
Alors que j’étais encore petite, je suis allée chez ma tante Claude avec ma mère. Sur la table trônait un beau panier d’amandes fraîches, vert tendre, duveteuses.
Claude m’en glissa une dans la main. La douceur de fruit me toucha à tel point que je m’en souviens encore aujourd’hui avec émotion.
C’est mon souvenir le plus vieux : j’avais environ 18 mois. Claude est décédée quelque temps plus tard.
Troisième version, nettement plus travaillée.
J’étais tout enfant, presque bébé même, et c’est, à n’en pas douter, mon souvenir le plus ancien. Et même, d’une certaine manière, le plus intime, le plus sensuel. Il me revient souvent. Présent. Comme obsédant. Indélébile, malgré les années qui passent.
J’étais tout enfant, donc, et ma mère et moi séjournions chez ma tante Claude, sans que je puisse m’en rappeler la raison. Contrairement à ma mère, Claude était soignée, sophistiquée. Coiffure impeccable, ongles peints, toujours assortis à son rouge à lèvres. Chez elle, jamais de pommes ou de poire du bord du chemin, comme c’était si souvent le cas chez nous, mais des fruits nobles.
Ce matin-là, Claude était allée aux Halles, version abritée et plus cossue de notre marché villageois. Là, elle avait acheté un plein panier d’amandes fraîches, venant probablement d’Espagne où d’Italie… du Sud, en tout cas !
Et c’est l’une de ces amandes qu’elle glissa dans ma petite main. J’en éprouvais immédiatement la sensualité, la douceur. Le souvenir de cette pelure duveteuse m’assaille à nouveau à chaque nouvelle rencontre avec LE fruit. Je crois que je l’ai recherchée au milieu des peluches qui ont peuplé mon enfance.
J’avais 18 mois, et si je peux dater ce souvenir avec précision, c’est que, très peu de temps après, par une journée terrible qui transforma notre famille pour toujours, Claude nous quittait pour un monde qu’on dit meilleur, dans lequel le temps qui ne passe plus ne transforme pas sa peau souple en parchemin.
Elle avait 42 ans.
Contrairement aux apparences, c’est la deuxième version qui a été la plus difficile à écrire. En dire assez mais pas trop n’est pas si évident. Pour la troisième version, je me suis laissé guider par ma plume, tricotant allégrement mon vrai souvenir avec ce qu’on m’a dit de cette tante partie bien trop vite.
J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à écrire en direct, avec d’autres gens s’adonnant au même exercice. Merci Alain Maillard et merci à l’école Désir d’écrire qui organisait cet atelier.
Voili, voilà.
Merci à toi aussi de ta présence, une journée que je chérirais longtemps.
A bientôt